J’ai découvert les paysages grecs à l’âge de 3 ans, en 1975, avec mes parents, lors d’un séjour à Antikira, village du cœur de la Béotie, à quelques kilomètres de Delphes, dans le golfe de Corinthe. Ce lieu fut le théâtre de mes premières expériences au travers de la découverte des éléments : l’eau, la terre, l’air.
Ces moments et ces paysages ont impressionné ma mémoire, comme une image impressionne une pellicule. Suite au divorce de mes parents, je ne suis pas retourné en Grèce pendant 15 ans, mais les images de cet endroit sont toujours restées en moi au point de m’obséder et faire naître un immense désir de mer et de montagne. À partir de ces souvenirs d’enfance et des photographies rassemblées dans l’album familial, j’ai fondé mes propres mythes et croyances ; je suis devenu photosensible.

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Exposition « Mythes » du 7 août au 18 septembre 2021
Espace culturel François Mitterrand
2, place Hoche - 24000 Périgueux

Entrée libre du mardi au samedi de 13h à 18h
• vernissage de l’exposition : vendredi 6 août à 18h, avec présentation de la création de David Chiesa et Camille Auburtin
« D’après ce qui reste… », à 22h
• visite commentée par l’artiste : samedi 7 août, à 14h
• visite commentée : chaque samedi à 14h (à partir du samedi 14 août)
• atelier en famille : samedi 28 août, à 15h
• randonnée urbaine / La Grande traversée : samedi 18 septembre, à partir de 9h30, en partenariat avec l’Agora. Randonnée de Marsac à la plaine de Lamoura, visite exposition à mi-parcours et pique-nique dans les jardins de l’Espace culturel François Mitterrand à Périgueux, projection d’un film, spectacle.
L’Agence culturelle met tout en oeuvre afin de vous accueillir dans les meilleures conditions possibles et dans le respect du protocole sanitaire en vigueur.

Réservations : 06 75 64 58 98 / Renseignements : 05 53 06 40 00 (Agence culturelle)
Retrouvez l’ensemble du programme sur le site de l’Agence culturelle www.culturedordogne.fr

Contact presse : Christine Didier-Vera 06 31 81 98 68 - 05 53 06 60 57 | c.didier-vera@culturedordogne.fr

Photographies de Kristof Guez
Textes de Kristof Guez (typos noires)
Textes de Pascal Desmichel (typos bleues)

Mythes, au pluriel
En choisissant la notion de Mythes, au pluriel, Kristof Guez signifie qu’il a plusieurs intentions. Il fait allusion à la mythologie grecque (et donc à la dimension culturelle et sociale du mythe) mais aussi à ce qui va constituer sa démarche d’auteur, à savoir l’édification d’un mythe plus personnel. Il fait également allusion au genre littéraire du mythe, c’est-à-dire un récit qui ne peut pas s’entendre comme une retranscription exacte du déroulement des événements, mais ne constitue pas non plus une forme de conte qui serait dépourvu de base réelle. Le mythe est une représentation idéalisée, une forme d’utopie. Il est forgé pour répondre aux grandes questions que les hommes, que chaque homme, se posent lorsqu’ils réfléchissent à leurs origines, à leur raison d’être, aux énigmes qui se présentent à eux de toutes parts. Ce récit fondateur n’est pas susceptible de vérification mais porte sa vérité et dispose d’une capacité de persuasion que lui donne sa beauté.

Le premier cercle

La mémoire intime

Ma Grèce a pour centre la piste de danse de la discothèque Annabelle dans la baie de Saint-Isidore. Elle représente le point de départ de ma démarche autobiographique. Elle est à l’origine de cette quête d’identité, de cette démarche d’exploration de ma mémoire. Il y a une volonté de confronter une réalité fantasmée à une réalité vécue. Le divorce de mes parents a déclenché ce rapport trouble à la vérité et à la dualité. Qu’est-ce que ma mémoire a gommé, déformé, oublié ? Est-ce que ces évènements se sont vraiment déroulés ?
Les images présentées dans cet espace temps sont des photographies
qui représentent un espace géographique réduit à la petite baie de Saint-Isidore. On y trouve une discothèque, des ruines antiques, notre maison. Les premières photographies prises par mes parents et leurs amis grecs dans les années 1975 constituaient une archive familiale. J’ai complété cette archive lors de mes différents séjours entre 1992 et 2020. L’histoire raconte des liens intime tissés entre quelques personnes et ce petit territoire.

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Naître par deux fois
« Antikira s’est inscrit en moi comme le lieu de mes premiers émois et de mes premières peurs, au point d’avoir l’impression d’y être né, avec la Méditerranée comme berceau. Ce sentiment de naissance provient du fait que j’ai vécu à Antikira mes premières expériences fortes en Grèce, elles m’ont révélé ». Kristof évoque là le sentiment de naître. Et qu’est-ce que naître ? Il existe deux étapes aux dires de certains pédiatres. La première naissance correspond à l’arrivée physique au monde, celle où il a fallu sortir du ventre maternel, faire face à la lumière, survivre à l’environnement. Et puis il y a la seconde naissance au cours de laquelle le bébé décide de naître psychologiquement, c’est-à-dire de vivre vraiment, parce qu’il a trouvé dans le monde qui s’offre à lui une source de sécurité et de plaisir. Naître pour de bon, c’est décider de s’accrocher à la vie, c’est vouloir se mouvoir, c’est désirer. C’est prendre corps, s’incarner. Les lieux, autrement dit les paysages et ceux qui l’habitent, ont sans le savoir permis ce processus d’incarnation. Des rires, des regards bienveillants posés sur nous, des parfums, des sensations délivrent un sentiment d’apaisement d’abord, et puis donnent les clés de l’envie. C’est cela, sans doute, naître, pour ne rester rivé à son drame, à cette mélancolie qui dévore et dont les auteurs les plus emblématiques ne sont pas étrangers à Kristof (de Nietzche et Pavese d’abord...) parce qu’ils parlent de ce vide en soi, de ce sentiment d’absence au monde, d’abandon, qui a pu l’affecter. Sans doute Kristof a-t-il trouvé à Antikira les conditions de cette seconde et vraie naissance, et c’est pourquoi ce lieu le hante, l’habite. Parce qu’il est né là-bas.

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Le deuxième cercle

La mémoire collective

Certainement habitée depuis l’âge de bronze ancien, la baie de Saint Nicolas a connu une certaine prospérité entre le 14 ème siècle et le 12 ème siècle avant JC, certaines tombes trouvées permettent d’évoquer une occupation intermitente ininterrompue jusqu’au 2 ème siècle et l’établissement de Médéon connait une période florissante du 6 ème au 13 ème siècle. Dans l’histoire récente, la Grèce a successivement été touchée par la guerre mondiale, la guerre civile et par une crise économique majeure (2008). La Béotie a largement souffert de l’occupation nazie, comme à Distomo (comparé à Oradour sur Glane) où 232 habitants furent massacrés par l’armée allemande. La guerre civile, qui a duré de 1946 à 1949, rend la situation encore pire qu’au milieu de la guerre mondiale. Aux dizaines de milliers de morts de la guerre civile s’ajouteront près de cent mille départ de réfugiés qui quittent leur pays. L’instabilité se prolonge jusqu’à 1952-1953 où enfin la réappropriation de la démocratie sera longue mais mènera progressivement à la mise en valeur de ses richesses naturelles du pays. C’est pour cette raison que l’usine “Aluminium de Grèce”, a été fondée en 1960 par un conglomérat comprenant le producteur français d’aluminium Pechiney. Elle est implantée dans la baie de Saint Nicolas dans la commune d’Aspra Spitia.

Ce projet correspondait aux préocupations inscrites dans le plan quinquennal grec 1959-1963 qui envisageait d’utiliser les matières premières nationales et de fournir des marchandises exportables, de plus, un complexe d’aluminium assure des débouchés aux réalisations hydro-éléctriques environnantes. Cette usine a participé au dévellopement de cette région mais aussi à celui de la Grèce en faisant entrer le pays dans l’ère industrielle.

Cet espace temps démarre au début du 20 ème siècle, il montre les lieux où l’exploitation du minerai de bauxite a modifié les paysages de cette zone au fur et à mesure des années. Par la création d’un outil de production unique et d’une cité moderne, cet espace a connu une métamorphose rapide à partir des années 1960 alors que le pays connait des vagues d’instabilités politiques constantes.

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Le paysage comme projection de soi
Ce « paysage » retranscrit sur “la pellicule” est donc en partie le reflet du monde tel que je le vois, tel que je l’habite. Il m’adresse des messages par les objets signifiants que je saisis autant que je reprends ses signes pour leur faire dire mon intériorité. Le paysage est une projection d’un soi qui jaillit. Ce paysage devient ce lien qui m’unit au monde parce que je l’investis d’un affect. Il n’est pas un environnement presque anecdotique, un décor de carte postale, une « belle image », mais la condition d’un vivre. Parce qu’on s’attache aux lieux, parce qu’ils nous soignent, nous apaisent, vivent en nous comme des amis, parce qu’ils deviennent une surface de projection, de transfert. Nous établissons avec lui les conditions d’un dialogue comme on le ferait avec un psychanalyste. Ces hauts-lieux sont d’autres types de hauts-lieux, mais à soi, intimes ceux-là. Antikira est pour Kristof ce que Martin de La Soudière dénommerait « un haut lieu de proximité » ; il est cet endroit que l’on va revoir, visiter comme on visite un ami.

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Le troisième cercle

L’imaginaire collectif et la fiction

En Grèce sont nés les mots et les catégories mentales qui sont encore les nôtres. Les épaisseurs du temps cohabitent et s’offrent à nos yeux dans une certaine banalité. Lieux de naissance de la pensée européenne et de ses fantasmes.
Les paysages de mer et de montagne sont porteurs d’histoire, de sens, de signes pour la culture et l’imaginaire européen notamment au travers de la mythologie. Les pierres et les ruines sont des médiums qui nous relient à ces temps anciens. La mémoire grecque présente dans chaque cailloux provoque un certain vertige à ceux qui les observent avec intérêt.
Cette histoire universelle ancrée dans la réalité ne cesse de dériver vers les territoires du rêve et à force nous bousculer c’est le réel lui même qui bascule. Sous la lumière grecque le rêve et la réalité se synchronisent.

Cet espace temps prend source à l’âge de bronze et se termine en 2020.
Il montre plusieurs lieux de la mythologie comme Delphes l’antique nombril de l’univers où officiait la Pithie, ce haut-lieu de prédiction et d’expression de la parole divine par l’intermédiaire d’un oracle.

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L’horizon des « semi-montagnes »
L’horizon s’ouvre sur des paysages « authentiquement » grecs, indentifiables à cette alliance de la montagne et de la mer. Ces images-là rejoignent dans une certaine mesure celles du mythe grec. Cette montagne est d’ailleurs souvent plus proche de ce que les géographes grecs dénomment « semi-montagne », à savoir ces vastes ensembles de transition, peu ou pas investis par l’agriculture, à l’allure déserte. Ces formes massives dominent partout l’horizon, même depuis les bords de mer ; c’est la Grèce « mythique », à la fois magnifiée et tellement « ordinaire » parce qu’on finit par ne plus prêter attention à ce décor de versants sans fin. Quel autre région d’Europe pourtant dispose de tels reliefs (75% du pays est couvert de surfaces montagneuses…), et surtout d’une telle proximité de la mer et de la montagne car il n’existe pas de montagne en Grèce d’où la mer ne puisse être aperçue, et que les vents marins n’atteignent pas. Aucun point de l’intérieur du pays n’est éloigné de plus de 100 km de la mer.

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www.kristofguez.com
Maquette et photographies : Kristof Guez © 2020

Textes : Pascal Desmichel
pascaldesmichel.com

Design et programmation
Guillaume Schmitz
Typographies Boeticher et Fengardo Neue
Velvetyne Type Foundry

Avec le partenariat de
Passages / CNRS
Agence culturelle départementale Dordogne-Périgord
Echelle 1

Tirages d’expositions Marc Tallec et Claire Morin / Atelier Ooblik
ooblik.com

Scénographie exposition et construction : Florent Marvier et Baptiste Supan
Collectif META

Remerciements pour leur soutien

  • Isabelle Mourceau et Mathilde Beytout (Agence Culturelle Dordogne-Périgord) pour le soutien sans faille depuis l'édition du livre Antikira aux éditions Poursuite en 2012 (Bourse d'aide à la création) et par le dispositif d'accompagnement à la recherche et à la production de l'exposition

  • Inna Maaimura et Céline Tyssandier (Association Mydriase) pour avoir accueilli l'exposition Antikira dans leur maison-galerie

  • Benjamin Diguerher (Édition Poursuite) pour avoir porté et accompagné les premières images de cette série grecque dans le livre ANTIKRA en 2012.

  • Dimitrios et Dimitra Tzouvalis (Association Allotropia) pour m'avoir invité à présenter le projet au habitants d'Antikira en juillet 2017 sous forme de projection-concert.

Pour leur conseils avisés et leurs accueils bienveillants :
Denis Driffort : (Association Pollen)
Marie-Frédérique Hallin Centre d'art et de photographie de Lectoure
Ingrid Bourgeois (Direction de la Culture de la ville de Mérignac)

  • Sylvain Guyot (Passages CNRS) pour avoir rendu possible l'exposition collective TRACE(R) au CNRS à Pessac (septembre 2020).

Merci pour leur participation et leur accueil :
Famille Sakelariou : Georges, Aleka, Christodore et Yannis
Famille Mixos : Sideris, Roula, Helena, Nikos et Takis
Michel et Marina Coulin.