J’ai découvert les paysages grecs à l’âge de 3 ans, en 1975, avec mes parents, lors d’un séjour à Antikira, village du cœur de la Béotie, à quelques kilomètres de Delphes, dans le golfe de Corinthe. Ce lieu fut le théâtre de mes premières expériences au travers de la découverte des éléments : l’eau, la terre, l’air.
Ces moments et ces paysages ont impressionné ma mémoire, comme une image impressionne une pellicule. Suite au divorce de mes parents, je ne suis pas retourné en Grèce pendant 15 ans, mais les images de cet endroit sont toujours restées en moi au point de m’obséder et faire naître un immense désir de mer et de montagne. À partir de ces souvenirs d’enfance et des photographies rassemblées dans l’album familial, j’ai fondé mes propres mythes et croyances ; je suis devenu photosensible.
Une fois adolescent, j’ai commencé à pratiquer la photographie et il m’est apparu nécessaire de transformer ces images « latentes », de remonter aux origines de cet imaginaire, de ce lieu fantasmé. En 1992, je décidai de retourner là-bas avec un ami. Je compris alors toute l’importance de ces paysages qui avaient sommeillé en moi. C’était décidé : ce lieu constituait désormais mon point d’ancrage. Depuis 2008, je suis retourné séjourner régulièrement dans ce village en famille avec mon jeune fils. J’ai décidé, muni de mon appareil photographique, d’entamer une exploration plus systématique de cette contrée pour en révéler les différentes facettes et strates historiques.
Pour lever l’ambiguïté que j’entretiens avec ces lieux j’ai commencé par interroger ma mémoire en la confrontant au réel. Mes photographies sont des traces de ces questionnements, la quête d’une part manquante. L’inventaire de ces découvertes forme progressivement un ensemble qui sera de l’ordre d’une concrétisation. J’ai arpenté ces lieux en formant des cercles à partir du village, et puis je me suis progressivement intéressé à un espace géographique plus large, formant des allers-retours entre le passé et le présent, entre la fiction et le réel, la mythologie grecque et mes propres mythes. Conscient de la grande subjectivité du regard, j’ai voulu le décentrer pour tenter de voir ces lieux “tels qu’ils sont”.
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The first images of Greece experienced by Kristof Guez are those of his childhood, vacations memories he spent with his parents in Antikira, a small village in the Gulf of Corinth. Upon his return as an adult, he realized the importance that the landscapes have had in his professional vocation and the man he became; "these landscapes are engraved in my memory, like an image on a film."
Since then, he stays regularly there, confronting his memory versus the reality of the places. During his latest travels, he surveyed the landscapes of Boeotia with his devices, forming concentric circles starting from the village of his childhood, and then going towards a larger geographical area. This working method is transposed into the scenography of the exhibition, making visible his journey from the epicenter of his intimate memory towards documentary representations of contemporary Greece; from his personal myth to a more pronounce collective imagination. He accompanies his images with texts evoking places and anecdotes from his childhood, as well as texts by Pascal Desmichel, a geographer who shares with him a strong relationship with Greece and who, through a sociological as well as a philosophical approach, puts into perspective the work of the photographer.